22 avril

-Je me demande. Ces gens savaient trop de choses. Avec un simple nom ils racontaient la nuée, la forêt, les destins. Ils virent certainement ce que nous connaissons à peine. Ils n’avaient ni le temps ni le goût de se perdre dans des songes. Ils virent des choses effrayantes, incroyables, et n’avaient même point d’étonnement. On savait ce que c’était. S’ils ont menti, alors toi aussi quand tu dis: »c’est le matin », ou: »Il va pleuvoir », tu as perdu la tête.
– Ils ont prononcé des noms. C’est bien cela. En sorte que parfois je me demande si d’abord ce qui fut, c’étaient les choses ou les noms.
– Ils furent ensemble, crois-moi. Et ce fut ici, dans ces pays incultes et solitaires. Faut-il s’étonner qu’ils soient montés jusque là? Que pouvaient chercher ces gens sinon la rencontre des dieux?
– Qui peut dire pourquoi ils s’arrêtèrent ici? Mais en chaque lieu abandonné il reste un vide, une attente.

– Non so. Quella gente sapeva troppe cose. Con un semplice nome raccontavano la nuvola, il bosco, i destini. Videro certoquello che noi sappiamo appena. Non avevano né tempo, négusto per perdersi in sogni. Videro cose tremende, uncredibili,e nemmenostupivano.Si sapeva cos’era.Se mentirono quelli, anche tu allora, quando dici « è mattino » o « vuol piovere », hai perduto la testa.
– Dissero nomi, questo sí. Tanto che a volte mi domando se furono prima le cose o quei nomi.
– Furono insieme, credi a me.E fu qui, in questi paesi incolti e soli. C’è da stupirsi che venissero quassú? Che altro potevano cercarci quella gente se non l’incontro con gli dèi?
– Chi può dire perché si fermano qui? Ma in ogni luogo abbandonato resta un vuoto, un’attesa.
Al tramontar del sol, la ninfa mia,
de flores despojando el verde llano,
cuantas troncaba la hermosa mano,
tantas el blanco pie crecer hacía.

Ondeábale el viento que corria
el oro finocon error galano,
cual verde hoja de álamo lozano
se mueve al rojo despuntar del día.

Mas luegoque ciñó sus sienes bellas
de los varios despojos de su falda
(término puesto al oroy a la nieve),

juraréque lució más su guirnalda
con ser de flores, la otra ser de estrellas,
que la que illustra en cieloen luces nueve.

Au coucher du soleil, ma nymphe,
de fleurs dépouillant la plaine verte,
autant en coupait sa belle main,
autant son blanc pied en faisait croître.

Ondulait le vent qui courait
son or fin avec élégante erreur,
tel verte feuille de peuplier superbe
bouge au rouge coin du jour.

Mais dès qu’elle ceignit ses tempes belles
des diverses dépouilles de sa robe
(limite posée à l’or et à la neige),
je jurerai que plus brilla sa guirlande
bien que de fleurs, et l’autre d’étoiles,
que celle qui le ciel illustre en neuf lumières.

Suite 1, 2017, impression digitale, 24 pp., 21 x 24 cm.

19 avril

mots, images, sons : 11 janvier 2018, 19h, Librairie Stendhal, Rome.

mots

J’aimais tout dans le monde. Et je n’avais
que mon carnet blanc sous le soleil.
Sandro Penna, Poésies

Par la lune d’été vaguement éclairée,
Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
Dans la clairière sombre où la mousse s’étoile,
La Dryade regarde au ciel silencieux…
– La blanche Séléné laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pâle rayon…
– La source pleure au loin dans une longue extase…
C’est la nymphe qui rêve, un coude sur son vase,
Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.
– Une brise d’amour dans la nuit a passé,
Et, dans les bois sacrés, dans l’horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombre Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
– Les Dieux écoutent l’Homme et le Monde infini!

Arthur Rimbaud, Soleil et chair,mai 70.

Chose défendue, obscure, le printemps.

Des années j’ai marché au long de printemps
plus obscurs que mon sang. Maintenant reviennent sur la Tamise
sur le Tibre les enfants transpercés de grands lys
les petites mères dans leurs nids d’acacias
l’heure éternelle sur d’éternelles métropoles
qui déjà se détachent, tremblent comme des navires
prêts à l’adieu.

Chose défendue,
obscure, le printemps.

Je vais sous les nuages, parmi les cerisiers
si légers que presque absents déjà.
Qu’y a-t-il qui ne soit presque absent à part moi,
morte depuis si peu, flamme libre?

(Et au coeur du buisson s’enflamment à nouveau les vivants
dans le rire, la splendeur, comme tu te rappelles,
comme encore tu les implores).
Cristina Campo, Élégie de Porland Road.

Vous êtes la tiède figure de notre douleur,
sur la terre douce
d’aliments pour votre légère rougeur,
vous passez avec ce sourire qui nous accable.

Reviennent les première ailes aux confins
du ciel, le soir
répand le calme triste des jardins
et muet le temps s’enroule autour de votre beauté.

Mais en vain, car votre caresse brûle, profonde
et inconnue,et en vous
sans limites le ciel se repose
de son éternité comme une feuille.

Et dans vos chaudes mains embaume
toute la fugitive
couronne de vos passions, tandis que chacune
porte la douleur de la jeunesse.
Mario Luzi, Jouvencelles, 1936.

acrobate (n.m.) est celui qui marche tout en pointe (des pieds):(tel, du moins, pour l’étymon): mais ensuite il procède, naturellement, tout en pointe de doigts, aussi, de mains (et en pointe de fourchette):et sur sa tête: (et sur les clous,en fakirant et funambulant):(et sur les fils tendus entre deux maisons, par les rues et les places: dans un trapèze, un cirque, un cercle, sur un ciel):
il voltige sur deux cannes, flexiblement, enfilées dans deux verres, deux chaussures,
deux gants: (dans la fumée, dans l’air):pneumatique et somatique, dans le vide
pneumatique: (dans de pneumatiques plastiques, dans des fûts et bouteilles): et il saute mortellement:
et mortellement (et moralement) il tourne:
(ainsi je me tourne et saute,moi, dans ton coeur):
Edoardo Sanguineti, début de Corollaire.

images

Leonardo da Vinci, A Book of Drawings, diaporama, 14 min 32 s.

Sons

György Kurtág, Blumen die Menschen, nur Blumen…, György et Márta Kurtág, Jatekok

Jean-Sébastien Bach, Triosonate in Es-Dur I, 1 (BWV 525), György et Márta Kurtág, transcription

16 avril

UNE CHOSE

faite, le

reste suit.

*

Non pas venu de non pas
mais dans dans.

*

Ici ici
ici.Ici.

À la question de savoir où allait une quelconque chose que l’on avait jetée, mon père lui avait répondu un jour: dans l’espace cosmique. Lorsque peu après la cendre de cigarette eut disparu dans le cendrier, il demanda: tu l’envoies dans l’espace cosmique? Depuis le cendrier s’appelle « espace cosmique », mais le lendemain « peau de chenille ».
Partisan du diffus.
Au clair sur l’essence des illusions.
Une bête avec un reflet d’étoile.
Pèlerinage à travers le chaos.
Morale de l’état créateur.
Perfois passif.

n°9, 2015, impression digitale, 28 pp., 21 x 30 cm.